Episode 9 – Sur les traces des Mexicas à Mexico DF

Tenochtitlan alias Mexico Districto Federal a été construite par les Mexicas, après “seulement” 200 années de pérégrination à travers l’Amérique. Ils ont choisi cet emplacement sur le lac Texcoco parce qu’ils ont vu en son centre, un aigle perché sur un cactus, dévorant un serpent, ceci réalisant la prophétie disant que Tenochtitlan devait être fondée là. Qui n’en aurait pas fait de même ? Entre nous, les historiens nous expliquent qu’avant de devenir une région désertique suite à la surexploitation de la nature, ces contrées auraient été fertiles incitant la tribu Mexica à se sédentariser. Vous n’imaginez même pas ce qu’ils ont réussi à faire au fil des siècles ! Une mégalopole de plus de 24 millions d’habitants perchée à 2240 mètres d’altitude et une des plus polluée du monde.

Arrivés à l’aéroport, une bonne surprise nous attend, les transports en commun existent ! Ça nous change de Puerto Rico ! Pour éviter de payer un supplément de navette, nous traversons le quartier de Pantitlán à la recherche du métro le plus proche. Parmis la foule de mexicains qui s’agglutine autour des “puestos de comidas” pour l’heure du déjeuner, notre avancée avec nos gros sacs est laborieuse. Les ruelles de stands de tacos deviennent une véritable cantine au sein d’un marché de fruits et légumes. On se perd en suivant le bout de notre nez, abusé par ces odeurs de viande, d’oignons frits, de coriandre et de citron, et on se laisse entraîner par un tourbillon bruyant et incessant de personnes. Enfin, nous voilà à faire la queue pour acheter nos tickets. Malgré la densité de population, ressemblant à la ligne 13 du métro parisien par temps de grève, nous sommes bien heureux de pouvoir nous déplacer selon notre bon vouloir. Par chance, Pantitlán est un terminus et nous n’avons pas à faire de changement pour arriver chez Maria, la grande soeur de notre amie Celia, notre hôte pour les trois semaines à venir.

Nous descendons à la station Chilpancingo et sortons sur l’Avenida Insurgentes où nous slalomons à nouveau entre les tacos de barbacoa, carnitas, al pastor et on en passe. Vous avez l’eau à la bouche ? Nous aussi et malgré notre fatigue on se laisse joyeusement imprégner par l’effervescence ambiante assis à la terrasse d’une petite taqueria en attendant qu’arrive le Uber dans lequel Maria nous a envoyé ses clés. Le soir venu, Maria et son ami Luis nous réservent une belle surprise de bienvenue, un repas typiquement mexicain fait maison : des tortillas de maïs avec du poulet et du “mole negro”, une sauce à base de cacao, le tout accompagné de shots de Mezcal de Oaxaca, un alcohol à base de maguey (de l’agave pour nous autres), un vrai délice ! Malheureusement, nous avons quitté le territoire mexicain sans emporter avec nous le secret de la recette du mole (on garde quand même espoir, clin d’oeil à nos amis mexicains !).

Ces premiers jours au DF auront principalement pour thème la gastronomie mexicaine : nous arpentons autant que possible les marchés et les puestos de comida, nous laissant volontiers alpaguer dans la rue. En même temps il est dur de résister à un taco (20 pesos soit moins d’un euro), aux chapulines (sauterelles grillées) ou encore aux jus de fruits frais (guanabana, ananas, mangue, goyave, grenade…) ainsi qu’aux mangues coupées en morceaux avec du jus de citron et du sel (les mexicains ajoutent aussi du “chile” une poudre rouge à base de piment assez acidulée mais pas réellement piquante comme son nom pourrait le laisser penser).

Accompagnés de Maria et Luis nous découvrons un Mexico authentique mais aussi des initiatives originales comme el Huerto Roma Verde, un oasis d’alternatives écologiques dans un parc au milieu de la ville de Mexico. On y trouve un grand potager organique partagé, des ateliers de poterie, de construction de toilettes sèches, de temazcal (le sauna sacré des mayas), de constructions en terre-paille et bambou, de lombrics-compost et bien d’autres. Parmis les volontaires de l’association nous retrouvons des préoccupations quant à l’avenir de notre planète et une volonté de changer les choses en commençant au niveau individuel et local sans attendre que nos dirigeants le fassent à notre place. Cet intérêt et combat minoritaire est cependant restreint à l’action d’une classe sociale moyenne ou aisée qui n’a pas le soucis de la “survie” quotidienne comme c’est le cas pour de nombreuses personnes.

Alors que l’avenir de notre planète n’intéresse que peu de gens, la sécurité au contraire est ici un marché lucratif, probablement proportionnel aux inégalités. Les barbelés et barrières électriques ainsi que les caméras de surveillance sont monnaie courante. La présence policière et de groupes de sécurité privée est très forte ne nous laissant pour autant que peu rassurés au regard de la méfiance de la population à leur égard et à leurs faits de corruption habituels. Petit aparté, le gouvernement Mexicain vient de promulguer une loi permettant aux policiers d’effectuer une perquisition sur simple soupçon et sans passer par l’accord d’un juge. On imagine d’ici les futurs dérapages. Qui sait, peut être est-ce la suite de notre état d’urgence français ?

A côté de la richesse gastronomique, l’autre grande raison pour laquelle nous faisions escale à la capitale était son intérêt culturel, Ciudad de Mexico étant le berceau des grands peintres comme Frida Kahlo ou Diego Rivera mais aussi le lieu où s’est développé une des plus grandes civilisations précolombiennes, les Mexicas, plus connus comme les Aztèques.

Premier arrêt, la maison de Frida Kahlo dans Coyoacan, quartier huppé, coloré et fleuri :

A la vue de la file d’attente de plus de 4 heures et le prix élevé par rapport au temps de visite final, nous avons préféré nous promener dans le quartier. Tant pis pour Frida Kahlo et Diego Rivera ; à une prochaine !

Nous dirigeons nos pas vers le marché d’artisanat de Coyoacan dont le symbole est le coyote. Des deux étages, nous avons vu très peu “d’artisanat” : l’impression qui nous en est restée est qu’on retrouve exactement les mêmes articles d’un stand à un autre, très peu de choses étant faites à la main. D’ailleurs cette impression s’est confirmée un autre jour sur le Zócalo (place centrale) où se tenait une foire d’artisanat et de gastronomie mexicaine. Les vendeurs mettent tous en avant le “hecho a mano” (fait main) et la qualité des matériaux soit 100% coton ou laine mais en réalité, une inspection sommaire laisse apparaître des étiquettes “made in china, india, acrylique” ou autres, ne perturbant pas le moins du monde l’argumentaire commercial de nos soit-disant “artisans”. Trouver de l’artisanat mexicain avec un vrai savoir-faire s’annonce compliqué !

Certes, il y a beaucoup de jolis “souvenirs” mais cette arnaque institutionnalisée, de notre point de vue, ou business pour d’autres, nous dérange. Nous y voyons un cercle vicieux dommageable pour les toutes parties : le véritable artisan faisant vivre une économie locale est noyé dans la concurrence, pouvant difficilement vendre ses oeuvres à leur juste valeur face aux prix dérisoires des pâles copies de moindre qualité fabriquées à l’autre bout du monde. Les vendeurs de ces articles importés d’Asie, tous identiques, luttant assurément pour nourrir leurs familles, sont dépendants d’une industrie peu soutenable écologiquement et exploitant des populations vulnérables. Ce sont les travers de la mondialisation et du tourisme de masse qui rendent ce commerce possible et le font vivre, ils ont un impact négatif sur la culture, les savoirs-faire et l’environnement. Les seuls gagnants sont probablement les grands industriels et les entreprises de transport de fret. Même le tourisme en pâtit, selon nous, en perdant de sa saveur et de son originalité. Entourés de ces vendeurs de “chinoiseries” et des animations de type “danse pseudo folklorique enroulé dans du froufrou à plumes fluos sur du tambour à clave et cris du coyote”, on a parfois l’impression d’être dans un parc d’attraction… Tout un programme !

Bien sûr, l’artisanat n’a pas entièrement disparu du Mexique. Heureusement, nous avons pu rencontrer des tisseuses, des céramistes, des maroquiniers et des bijoutiers/tailleurs de pierre vers Oaxaca et dans le Chiapas. Ils nous ont ouvert les portes de leurs ateliers pour nous parler avec passion de leur art et bien que l’envie d’acheter ces perles rares fût présente, nous n’avions ni le budget ni la place pour nous charger davantage. Nous n’avons malheureusement pas de photos des créations en raison de la réticence des artisans à voir leurs oeuvres et idées originales copiées, mais malhonnêtes que nous sommes, nous avons tout de même posé des questions techniques (toujours avec un air naïf), pris des notes et réalisé des croquis pour agrandir le répertoire de nos inspirations. Eh oui, nous aussi, poussés par cet enthousiasme et ferveur capitaliste général, nous avons botté l’artisanat, la culture locale et l’environnement d’un coup de pied indélébile, poussant du bout de l’orteil notre noble civilisation vers un abîme cataclysmique !#€%@*+!

Bref revenons-en à nos moutons !

Deuxième arrêt, le “Templo mayor”, les ruines de la cité impériale de Tenochtitlan construite par les Mexicas dès 1325 :

Les recherches archéologiques ont dévoilé que pendant les 200 ans de dynastie Mexica, sept pyramides auraient été construites les unes par dessus les autres au cours du règne des différents “caciques” (empereurs) Mexicas, exhibant ainsi leur pouvoir et agrandissant l’attrait pour cette ville qui devint avant tout un centre politique et religieux. Le musée adjacent ainsi que notre visite du musée d’anthropologie nous ont apporté un flot d’informations assez conséquent sur ce peuple de guerriers parlant le “nahuatl” venus du sud des Etats-Unis, et sur la construction de la grande Tenochtitlan qui fut habitée par plus de 200 000 personnes.

Ils pratiquaient une agriculture originale sur des “chinampas” des îlots en roseaux et boue construits sur le lac et avaient participé à la mise en place de grandes routes commerciales leur permettant de profiter de l’artisanat des différentes régions alentours. Leurs armes et outils étaient confectionnés à partir de nombreuses pierres différentes plus ou moins raffinées : obsidiennes et silex pour les objets tranchants ; jade, lapis, turquoise pour les bijoux, parures et objets rituels. Les ressources animales telles que les os, les crânes et les plumes ou encore les ressources végétales telles que le bois et autres plantes étaient également très utilisées. Bien sûr, la poterie avait une place de premier ordre. Cependant, le peuple Mexica est surtout connu comme étant un des plus grand peuple guerrier d’Amérique latine. Ainsi, ils eurent la bonne idée de se bâtir un empire de “mexica tlatocayotl” (soumis de Tenochtitlan), obligeant les cités soumises à leur verser un tribut. En outre, leurs guerres étaient principalement économiques mais aussi religieuses allant jusqu’à organiser des combats avec des cités voisines dans le seul but de faire couler le sang et favoriser ainsi l’arrivée de la pluie pour de bonnes récoltes. L’avantage c’est qu’il y avait moins de personnes à nourrir après !

L’arrivée des espagnols en 1521 signe la fin de l’empire Aztèque. Comme de bons colons, ils décidèrent d’effacer un maximum de traces culturelles de la civilisation précédente ce qui a limité les connaissances sur cette époque. C’est principalement grâce au “Codex Mexica” et à la découverte en 1978 du Templo mayor, qui avait été enseveli avec le reste de Tenochtitlan sous les nouvelles constructions espagnoles et leur grande cathédrale, que les archéologues ont pu retracer l’histoire de la civilisation Aztèque.

Aujourd’hui, il ne reste de Tenochtitlan que les ruines du centre religieux en particulier celles de la pyramide dédiée à Huitzilopochtli, dieu du soleil et de la guerre, et Tlaloc, dieu de la pluie. Même la grande partie des canaux de cette ancienne “Venise” ont été bouchés afin de construire des routes permettant le passage des chevaux et carrosses espagnols. Les seuls ayant échappés à la folie des conquistadors sont ceux du quartier agricole de Xochimilco, classés au patrimoine mondial de l’Unesco. Ces modifications ont occasionné de nombreuses inondations jusqu’à nos jours. Pour enfin espérer résoudre ce problème hydraulique, un des plus grand drain au monde, de 60km de long, est en cours de construction à Mexico DF. Les séismes dont les effets sont amplifiés par le sous sol instable (il faut savoir qu’en un siècle, le Zócalo s’est enfoncé de 10 mètres) et des constructions de qualité aléatoire (70% des habitations ont été construites par la population elle-même) sont aussi une source de travaux et de dépenses énergétiques colossale. On peut se demander si ce type de développement faisant fit des contraintes environnementales est soutenable sur le long terme vu la baisse d’énergie disponible au cours des années futures (on a déjà dépassé le pic pétrolier). Ainsi, lorsqu’on se balade au centre de Mexico, il n’est pas étonnant de voir des bâtiments penchés menaçant de s’affaisser au moindre tremblement de terre. D’ailleurs, nous avons pu voir les dégâts du dernier en date du 19 septembre 2017. De nombreux édifices restent vides, sans qu’aucune restauration ni mise aux normes anti-sismique n’ait été réalisée dans les 6 mois ayant suivi le séisme.

Maria et Luis nous ont expliqué qu’en cas de secousses, il fallait passer par la porte latérale de l’appartement pour ne pas longer l’immeuble voisin, évacué et dont les structures ne seraient plus fiables. Ils nous ont raconté la terreur de cette nuit là, la crainte qui persiste plusieurs mois plus tard les faisant paniquer à la moindre alarme, sismique ou pas (en réalité nous ne l’avons jamais entendu durant notre passage), comment la solidarité et générosité des mexicains ont pallié à l’absence de réaction immédiate des autorités accentuant le mécontentement des mexicains envers leur gouvernement et Président alors que les prochaines élections présidentielles auront lieu en juillet.

Gros “chanceux” que nous sommes nous avons pu vivre le lancement officiel de la campagne présidentielle ! Ici, des voitures sillonnent les rues appelant au vote des citoyens mexicains pour tel ou tel candidat et des cadeaux sont offerts pour “acheter” leurs votes. Dans ce pays considéré comme démocratique par les pays occidentaux, on dénombre pas moins de 122 assassinats de candidats électoraux et personnalités politiques pour les élections de 2018, les plus importantes depuis 1910. Être “démocratique” est tout à fait relatif mais il semblerait que commercer avec l’occident suffirait pour être considéré comme tel.

Troisième arrêt, le Musée d’anthropologie de Mexico :

C’est parti pour 4 heures sur les flux de population qui ont peuplé le continent américain, leur alimentation à base de maïs, haricots, chile, avocats, agave, tomates, pommes de terre et courges, leurs outils et leur artisanat !

Dans la salle dédiée aux Mexicas, on retrouve entre autres une maquette de l’ancienne Tenochtitlan et un énorme calendrier aztèque en pierre qui n’en est pas un mais plutôt une pierre sacrificielle. On en apprend plus sur le fonctionnement de leur société, les rites religieux et leurs dieux dont les plus importants furent Huitzilopochtli, Tlaloc et Quetzalcoatl le serpent à plume, patron du peuple Mexica, protagoniste de nombreux mythes dont celui de la création de la Terre et des hommes. Nous apprenons les règles du “juego de la pelota” (jeu de balle) qui fut une des attractions importantes des grandes cités aztèques. Il faut savoir que sous cet air bon enfant, certains des joueurs étaient ensuite sacrifiés (en tout honneur) pour satisfaire les dieux. En plus de tout l’artisanat et reliques présentes dans le musée, nous avons été fascinés par les maquettes reconstituant soit des habitats soit des moments de vie courante. En réalité nous n’avons vu qu’un quart de ce musée, il est immense et comme pour le Louvre (référence de parisiens) une journée, voire deux, ne suffisent pas à en faire le tour, et encore moins à tout retenir.

Voilà pour Mexico Df en tant que tel. Nous avons bien sûr aimé flâner dans les ruelles du centre historique et se laisser mener par le flots des passants découvrant ainsi des petites églises plus intimes, une exposition en plein air de sculptures de Dalí au pied de la Torre latinoamericana, des danseurs de rock and roll sur l’Alameda, des mariachis muets et à couvert en attendant que passe une averse sur la Plaza Garibaldi…

Pour nos apartés politiques, mea (nostra ?) culpa pour la quasi-inexistence de sources, il s’agit essentiellement d’opinions personnelles basées sur ce que nous avons vu, entendu, vécu.

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